Plusieurs classes du collège du Looweg ont participé au processus de création d’une pièce de théâtre avec des artistes en résidence sur le territoire. Une rencontre inhabituelle qui a donné lieu à des échanges particulièrement riches.
Ce matin-là dans la classe de Florence Deslypper, enseignante en Section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) au collège du Looweg, un certain Viktor monopolise toute l’attention. Il parle fort, slalome entre les tables, dessine au tableau, jette son sac à dos, chante, saute, se lève et se rassoit sans cesse. Bouches bées et yeux écarquillés, à la fois émus et amusés, les collégiens ne perdent pas une miette de ce qui se joue entre leurs tables.
De son vrai nom, Viktor s’appelle Eliott Lerner et est comédien au Bateau Feu à Dunkerque. Avec François Rancillac, metteur en scène, et Léo Reynaud, comédien et assistant, il a participé à la résidence d’artistes organisée sur le territoire en lien avec le collège de Crochte.
Élargir l’horizon et se rencontrer
La crise sanitaire n’a malheureusement pas permis de faire tout ce qui était prévu, mais la moitié du processus de création d’ « Impeccable » a quand même eu lieu entre les murs de l’établissement. Écrite par Mariette Navarro pour un public d’adolescents, la pièce questionne le rapport des jeunes au voyage et à l’étranger.
Des collégiens de cinquième ont assisté aux répétitions et bénéficié d’un atelier théâtre, le tout préparé en amont avec leur professeur de français. La situation sanitaire ne nous a permis de proposer qu’un seul atelier
, regrette François Rancillac mais c’est mieux que rien car les ateliers rebattent les cartes dans une classe. Ils changent le regard des élèves entre eux et celui des professeurs sur les élèves.
Avec les résidences d’artistes, on ouvre une fenêtre qui peut être salvatrice pour certains élèves en difficulté.
De leur côté, les élèves de Florence Deslypper ont réalisé un abécédaire de l’Impeccable, travaillé le vocabulaire de la pièce et réfléchi aux émotions. La résidence d’artistes est une vraie source de motivation et constitue une formidable base de travail
, confie-t-elle.
À l’issue de la représentation en classe, elle compte aussi faire raconter aux élèves, à l’écrit et à l’oral, ce qu’ils ont vécu. En attendant, les deux comédiens sont assaillis de questions : Est-ce que l’histoire de Viktor est une vraie histoire ? Qu’est ce que vous avez ressenti la première fois que vous êtes monté sur scène ? Comment vos parents ont réagi quand ils ont appris que vous vouliez être comédien ? On peut faire des stages au Bateau Feu ?… pour apprendre à jouer les scènes tristes…
Les collégiens n’ont pas forcément saisi les différents niveaux de lecture de la pièce mais qu’importe. En rebondissant sur leurs questions, Eliott lerner et Léo Reynaud abordent subtilement les notions d’identité, de citoyenneté et d’appartenance.
Pour Valérie Libier, la principale, l’objectif majeur est atteint : En faisant entrer l’art dans des collèges ruraux éloignés de la culture, on ouvre l’horizon des élèves et on élargit leur champ des possibles.
Les intéressés approuvent : On s’est rendu compte que pour retenir tout un texte, c’est comme pour les tables de multiplication, il faut de l’entraînement. On a appris des nouveaux mots et ça nous donne envie d’aller au théâtre alors qu’on est toujours sur les écrans.
Quant à Eliott Lerner, il se dit très heureux et agréablement surpris
de cette expérience au milieu des collégiens. Ce n’est pas facile car en tant que comédien, on n’a aucune autorité sur eux. Mais on a forgé une relation et j’ai beaucoup appris en les rencontrant
. En un mot, la résidence d’artistes, ça fait du bien à tout le monde
, conclut François Rancillac.
Le dispositif RESAC Nord
Mis en place par le Département en partenariat avec le Rectorat et la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), le dispositif Résidences d’Artistes en collège (RESAC) permet à des établissements situés en zone rurale ou en REP+ d’accueillir des artistes sur un temps long (50 heures de présence minimum). Une vingtaine de collèges en bénéficie chaque année.
Crédits photo : G. Leplat